Psychologie de l'enfant face à la plongée - Part 1 |
L’eau est employée dans toutes les cultures et sans doute depuis des temps immémoriaux à des fins thérapeutiques issues d’une connaissance empirique. L’eau est thérapeutique du corps, de l’esprit et de l’âme. De nos jours, on pratique de nombreuses techniques hydrothérapiques. Et si la composition chimique de l’eau et de ses sels est mise en avant de manière fort peu convaincante, on néglige l’élément eau et le très puissant impact de ses symboles sur l'état émotionnel, donc sur la santé des humains. Il ressort de ces différentes techniques qu’elles sont avant tout parcours individuel, au delà des domaines thérapeutiques (donc pathologiques) et s’appliquent fort pertinemment à la plongée sous marine pour enfant. A- PSYCHOPÉDAGOGIE
DEVELOPPEMENT DE L’INTELLIGENCE
Théorie cognitive de Piaget
L'adaptation au milieu se fait selon deux mécanismes :
L’assimilation : intégration des données de l'expérience dans les structures propres de l'individu, grâce aux “schèmes d’action” (unités comportementales élémentaires qui permettent à l’individu d’entrer en relation avec le monde extérieur).
L’accommodation : modification des “schèmes d'action” en fonction des données extérieures (action du milieu sur l'individu). Le développement de l'intelligence passe par des stades regroupés en trois périodes principales :
-La période sensori-motrice (jusqu'à 2 ans) : Intelligence empirique, concrète, fondée sur des schèmes moteurs et des activités perceptives qui s'enrichissent mutuellement. Elle comprend 6 stades au terme desquels l'enfant acquiert la notion de permanence de l'objet : l'objet existe en dehors de la perception. -La période préopératoire (2 à 6 ans) : L'enfant se détache de la perception immédiate, peut différer l'action et accède à la fonction symbolique : capacité de représenter quelque chose par autre chose (objet, signe). La pensée devient intuitive (pas de notion de conservation des volumes : l'enfant se fie à la hauteur du niveau liquide dans un récipient). -Période des opérations concrètes (7 à 12 ans) : Accession au raisonnement logique mais concret (notion d'invariants : réversibilité d'une opération, conservation des mesures : classification des objets. Décentration de l'enfant par rapport à son propre point de vue et acceptation de celui des autres. -Période des opérations formelles (à partir de 12 ans) : Accession au raisonnement hypothético-déductif. Maniement de concepts abstraits.
Théorie de Wallon Basée sur un double axe de référence : l'axe de l'affectivité-émotivité et l'axe de l'équilibre tonico-moteur. Impulsif (nouveau-né : réponses réflexes, émotionnelles, 2e semestre : l'enfant réclame des apports affectifs, sensori-moteur, 3e semestre : apprentissage de la marche et du langage). Projectif (2 ans : représentation des objets au travers des actions exercées sur eux), Personnalisme (jusqu'à 5 ans : développement de la conscience de soi) Personnalité polyvalente (après 6 ans : capacité de changer de rôle en fonction des situations). La notion de temps et la latéralité ne sont pas acquises avant 6 ans.
La plongée s'effectue dans un milieu à quatre dimensions : Longueur - largeur - profondeur - temps. Intégrer ces quatre dimensions est difficile pour un enfant et doit se faire progressivement. L’analyse transactionnelle peut apporter ici un support précieux, permettant à l’adulte d’offrir le cadre “des 3 P” : Protection, Permission, Puissance.
Le pôle protection nous renvoie à la fonction symbolique maternelle. La sécurité physique doit être assurée en premier lieu. Cette sécurité physique comporte des aménagements matériels ou humains et aussi un regard qui n'oublie personne, ni en surface ni en profondeur. Cette attitude du responsable doit également être porteuse d'une sécurité émotionnelle en manifestant le non jugement, l'acceptation inconditionnelle de la manière qu'a l'autre d'appréhender, d'explorer la situation proposée.
Le pôle permission nous renvoie à la fonction symbolique paternelle. C'est une permission que l'on donne. Ce pôle se présente toujours sous la forme de proposition, non d'exigence. C'est la possibilité de prendre des risques, de sortir du monde du connu, d'aller voir ailleurs. Du familier vers l'étranger. Cette prise de risque doit être aménagée afin de proposer simultanément différents niveaux, d'ouvrir un chemin évolutif, comme une échelle dont les barreaux seraient des peurs.
Les permissions essentielles seraient au total : Pouvoir choisir de participer ou non. Seul le désir de l’enfant doit être moteur de cette évolution, sans oublier que la demande tue le désir. C'est pourquoi il est nécessaire d'éviter de pousser l'autre au progrès, de lui fournir la prothèse de notre propre désir. La finalité de cette démarche stratégique est en fin de compte de permettre à l'autre de retrouver la dynamique de son désir propre. Peut-être est-ce le plus problématique en plongée enfant : de quel désir s’agit-il ? Celui de l’enfant ou de ses parents ? Pouvoir agir : la situation doit être accessible à tous. Pouvoir expérimenter, considéré comme un élargissement ou un enrichissement de la connaissance, du savoir, des aptitudes. La situation doit permettre à chacun de chercher ses propres solutions, de faire des essais, et non de se couler dans un modèle pré-établi. Pouvoir évoluer : les niveaux de pratique proposés permettent une évolution pour chaque individu. Cette possibilité d'évolution est proposée par la structure de chaque situation mise en place et par l'enchaînement des situations. Un enchaînement qui se veut de type inclusif, chaque situation faisant appel aux acquis précédents par rapport à un même thème.
L’équilibre de ces 3 P est propice à l’émergence du désir. Patience, confiance et respect de la personne complètent l’attitude de l’adulte. Respecter une personne, c'est faire confiance en son potentiel. Ce qui se vit dans l'eau n'est jamais psychiquement anodin, même lorsque nos objectifs paraissent n'être que pur apprentissage.
L’ÉVALUATION DE L’ACTIVITÉ PÉDAGOGIQUE L’évaluation de toute activité thérapeutique ou pédagogique se fait en deux temps : un premier centré sur l’action de l’adulte, sur la pose du cadre, un second centré sur le parcours, les acquis de l'enfant. Pour la première évaluation, il faut vérifier : Le respect de l'équilibre des 3 P : Avons-nous donné à chacun la possibilité d'agir, d'expérimenter, de choisir, d'évoluer ? Nos objectifs étaient-ils clairs, bien formulés, compréhensibles par tous ? Les situations proposées étaient-elles cohérentes par rapport aux objectifs ? C'est ce qui fait qu'une organisation est porteuse de sens ou non. Comment avons-nous aménagé l'espace ? Gestion du matériel et du temps. Notre attitude était-elle congruente avec la situation proposée et cette stratégie d'ouverture d'espace ? Il s'agit donc de nous interroger sur notre comportement et tous les messages verbaux et non verbaux émis. Quantité et intensité de "travail par individu" réellement proposées ? Ce qui revient à se demander au service de qui est ouvert cet espace. On peut créer une très belle organisation satisfaisant notre narcissisme, nous mettant en valeur, un très beau gâteau en quelque sorte, dont on n'offrirait qu'une petite miette à chacun des convives. Qu'est-ce que j'avais imaginé qu’il se passerait ? Et qu'est-ce qui s'est réellement passé ? Mise à l'épreuve de la fluidité du responsable, de sa capacité à être surpris, à s’adapter sans perdre l'équilibre, à se remettre en question. La bonne intention ne suffit pas : ce qui est important, c'est de savoir quels effets j'ai créés.
Le deuxième type d'évaluation est centré sur l’enfant : Elle peut être prédictive : déterminer avec l’enfant ses objectifs. Si nous le faisons sans lui, nous prenons le risque - et surtout nous le faisons prendre à l'autre - de nous placer dans la dynamique du triangle dramatique et infernal : nous persécuteur, l'autre victime, sauveur en attente et tournez manège. Toujours très facile d'entrer dans cet enfer, très très difficile d'en sortir lorsque les rôles sont bien établis. Elle peut être sommative : quels sont les éléments positifs acquis ? Elle peut se faire seul, à deux, à plusieurs, le regard de l'autre favorisant une validation. Ce type de bilan peut prendre des formes variées adaptées aux capacités des enfants concernées. Exemple : un poisson en carton découpé, qu'il faudra recouvrir d'écailles au fil des séances, chaque écaille symbolisant par un dessin un élément acquis.Docteur Christine BONNAT pour WorldDivingReview. |